Le clocher tors de Mervans

Entre prouesse architecturale & légendes ..

Le clocher tors de Mervans fait partie de ces éléments du paysage architectural bressan reconnaissables entre tous mais sur lequel nous savons finalement peu de chose.

Entre légendes et données historiques, voyage dans le temps et dans l’espace autour de cet emblème permettant à la commune de 1 500 habitants de rayonner dans toute l’Europe.

Il est vrai que sa toiture en tuiles vernissées et surtout son aspect vrillé attire les regards. Autrefois dit « flaminé », « flammé » ou encore « tordu » avant d’être communément appelé « tors », le clocher de Mervans surplombe le village bressan du haut de sa flèche octogonale de plus de trente mètres. Ce sont les sires d’Antigny qui seraient à l’origine de l’édification de l’église Saint-Maurice au 14ème siècle.

De l’église d’origine, entièrement construite en brique, il ne resterait que le clocher, un effondrement de la toiture et des murs latéraux de la nef et du chœur ayant eu lieu la nuit précédant le Vendredi Saint en 1902, détruisant le reste de l’édifice malgré divers travaux réalisés au cours du 19ème siècle. Cet incident priva les habitants d’un lieu de culte digne de son nom durant vingt ans, le temps de trouver le financement nécessaire à la reconstruction auprès de la population, puis de réaliser les travaux.

« Lorsque des compagnons viennent visiter le clocher, ils admettent que cette torsion est volontaire »

À ce jour, l’église de Mervans n’est pas classée Monument Historique, malgré une demande effectuée en 1982. Si les historiens s’accordent pour dater le clocher du 15ème siècle et dire que la rénovation de la flèche en 1894 par l’architecte Dulac a été faite à l’identique, l’origine de sa torsion régulière d’un huitième de tour laisse place au mystère. « Lorsque des compagnons viennent visiter le clocher, ils admettent que cette torsion est volontaire » constate Françoise Pugeaut, première adjointe au Maire et membre de l’Association des clochers tors d’Europe. S’agirait-il de la réalisation grandeur nature d’un chef d’œuvre ? Faut-il y voir la marque d’un artisan influencé par le gothique flamboyant anglo-normand exacerbant de manière originale l’élan de l’homme vers Dieu ? En l’absence de preuve, le doute demeure et laisse place à la tradition orale et aux légendes…

La plus connue, immortalisée par le poète simardin Claude Perreaut dans sa Légende du clocher de Mervans, relate l’intervention du charpentier Crétin. L’artisan, constructeur du clocher à la demande de la baronne du lieu, se doutant d’une éventuelle intervention du diable jaloux de la beauté de l’édifice, s’y est installé la nuit précédant la pose de la croix protectrice. À minuit, le diable apparut, bien décidé à arracher la toiture de l’église. Alors qu’il commençait sa manœuvre, le charpentier lui jeta un seau d’eau bénite provoquant ainsi sa fuite mais laissant le clocher tordu par le geste du diable…

Une seconde légende fait intervenir des fées qui seraient à l’origine de l’édification de ce clocher en spirale en une nuit, tout en prenant soin de laisser quelques trous qu’aucun matériau ne soit parvenu à boucher depuis…

Et pour Françoise, quel récit mérite le plus de crédit ? « Pour moi, c’en est un autre… On raconte que les filles de Mervans étaient tellement belles que les ouvriers en charge de la construction de l’église ont fait durer le chantier afin d’en profiter le plus longtemps possible, d’où cette construction complexe du clocher. Comme je suis née à Mervans, c’est cette version qui a ma préférence » dit-elle dans un sourire.

Portrait : Françoise Pugeaut

Née à Mervans, au vieux bourg, où ses parents tenaient un hôtel-restaurant, Françoise (née Rigaudie) a grandi dans la commune bressane avant de partir au collège de Louhans puis de poursuivre ses études en comptabilité à Chalon-sur-Saône. Adulte, elle s’installe avec son époux René, très impliqué dans la vie associative locale, dans sa commune d’origine où elle intègre le conseil municipal en 1995 en tant qu’adjointe.

Première adjointe depuis trois mandats, elle est également membre de l’Association des Clochers tors d’Europe et siège au bureau où elle a la responsabilité de trouver de nouvelles communes adhérentes, comme le fait Mervans depuis 1995 en partie grâce à elle : « A l’époque, je tenais le bar L’Hutau, sur la place. Durant deux années de suite, un couple s’est arrêté sur la route des vacances avec sa caravane et nous avons parlé de choses et d’autres, notamment du clocher car ils étaient membres de l’association qui venait de voir le jour. La commune avait bien reçu un courrier de demande d’adhésion mais le fait d’avoir rencontré ces personnes a permis d’humaniser la démarche. Nous avons voté l’adhésion en conseil municipal et c’est ainsi que les choses ont commencé. »

Depuis ces dernières années, notamment grâce aux rencontres réalisées dans le cadre de l’Association, Françoise porte un regard nouveau sur le patrimoine de sa commune. Sur son clocher, certes, mais aussi sur la maison de bois du 17ème, sur les lieux aujourd’hui disparus comme le lavoir qui était sur le Brillant et auprès duquel elle allait petite malgré l’interdiction des adultes, sur les souvenirs des anciens… « Lorsque j’étais en sixième, notre professeur de français nous donnait à tous un surnom en lien avec le village dont nous étions originaires : il m’appelait la baronne du clocher tordu ! ». Déjà un signe…

Un peu d’histoire !

L’Association des clochers tors d’Europe a été créée en 1994 à l’initiative de quelques communes propriétaires de clochers tors s’étant réunies trois ans plus tôt. Comptant désormais trente-quatre communes adhérentes en France et en Belgique, elle se réunit chaque année chez l’une d’entre elles à l’occasion de l’assemblée générale, comme ce fut le cas en 2017 à Mervans. Regroupant des communes mais aussi des particuliers, elle a pour buts :

  • l’organisation de manifestations liées à ces édifices
  • la création de liens entre les membres adhérents
  • la centralisation des recherches sur l’origine et l’histoire des clochers
  • la promotion touristique et culturelle du patrimoine des communes adhérentes

Pour en savoir plus : allez visiter le site du Clocher Tors !

Rédaction : Adeline Guillemaut, Cueilleuse de Mémoires