L’hôtel du cheval blanc à Louhans

Au numéro 15 de la Grande Rue, l’un des piliers des arcades conserve une enseigne peinte : les lettres en rouge et noir rehaussées de blanc indiquent « Hôtel du Cheval Blanc Restaurant ». Sous l’arcade, comme on dit, la devanture présentant moulures en pierre et huisseries en bois est endormie…

L’hôtel du Cheval Blanc semble être l’un des plus importants et anciens établissements d’hébergement à Louhans : si Jean Boussuge en fait « sans doute l’un des premiers relais de la poste de la ville [recevant] diligences, équipages et chevaux, dans sa grande cour et ses écuries de la Place du Château », Valentin Bessonnard évoque les 18 chambres qu’il abritait dans les années 1960. Il est vrai que sa position, à l’entrée de la ville, du côté des gares, était un atout, comme d’autres établissements à l’époque tels que l’Hôtel du Chevreuil et celui de L’Europe. Sans oublier l’attractivité des foires et marchés et la propension à organiser banquets et copieux repas à l’occasion des grands moments de la vie.

Un lieu presque oublié

Ayant fermé ses portes le 16 septembre 1968, son souvenir reste flou : où était-il situé précisément ? Si un accès était au 15 Grande Rue, sa façade principale donnait sur la Place du Château, dans la continuité de l’Hôtel du Chevreuil, imposant bâtiment faisant l’angle avec la rue des arcades. Quelques cartes postales anciennes le dévoilent en partie, légèrement en retrait de son concurrent, au fond d’une cour fermée par un muret où, à une certaine époque, était inscrit « Auto-Garage ». Nous sommes déjà loin de l’époque où l’établissement attendait d’éventuels clients en gare de Louhans avec une voiture attelée.

Des clichés des années 1950 et 1960 présentent l’établissement agrémenté d’un corps de bâtiment avançant en direction de la place, cette fois bien plus visible notamment avec son enseigne « Maison des voyageurs – Déjeuners – Noces – Banquets » et l’inscription « Café » sur la porte. Le restaurant est indiqué par une flèche au fond de la cour. Sous l’arcade, sur la porte toujours visible de nos jours, une autre photographie a immortalisé les publicités de l’époque (Viandox, Bonal, Ricard, Pernod, Martini), aux côtés de distinctions : « Bottin », « Hôtel de Tourisme 1 étoile 1954 », « Cuisine gastronomique de la France 1951 »… Les affiches annonçant le bal de Pâques sont placardées contre la vitrine, tout comme différentes plaques d’appartenance de l’établissement à divers syndicats professionnels.

Une institution qui, quatre ans après sa fermeture, a été rasée pour laisser place à un magasin de grande distribution du groupe CEDIS, le premier GMS de la ville : devenu par la suite SUMA (quel louhannais n’a pas appelé la Place du Château, Place du Suma ?…), il abrite aujourd’hui l’enseigne SPAR.

Lorsque Valentin a publié article et photos sur le groupe Facebook qu’il a créé en 2020, les mémoires s’activent :

« Je me souviens y avoir pris un copieux petit déjeuner avec mon grand-père lors d’une foire dans les années 60… », « Génial… Que de souvenirs !!! On arrive à oublier !!!! Merci ».

Un sombre passé

De nos jours, à côté de la devanture, une petite plaque a pris place, indiquant « Site n°3 – Parcours de mémoire ». Mis en place par le Comité louhannais de l’ANACR, ce circuit présente 16 lieux de la ville où des actes en lien avec la Résistance ont eu lieu, rappelant à tous le souvenir et le courage d’hommes et femmes.

C’est en effet au Cheval Blanc que les services de la Milice locale, emmenée par le Docteur René Tissier, ont installé leur siège de 1943 au 10 juin 1944, date du premier défilé des maquisards bressans dans la ville. Nombre de résistants dont certains sont évoqués dans ce parcours (Jeanne et Roger Vacher, Simone Gonod, Georges Vincerot, Amédée Temporel) sont passés dans cet établissement avant d’être conduits dans les locaux de la Gestapo à Lyon et Macon, puis déportés en camps.

Rédactrice : Adeline Guillemaut

Sources :

  • Louhans, de la belle époque aux années folles, André Petit (1980)
  • Louhans. La cité des arcades, Jean Boussuge (1996)
  • Louhans sous la Troisième République. Un monde disparu, Daniel Martin (2019)
  • Groupe Facebook « Souvenirs de la Bresse louhannaise »
  • Parcours de mémoire : notices téléchargeables in situ par flashcode et sur le site de l’Office de Tourisme du Pays de la Bresse bourguignonne

Visuels :

  • Enseigne et façade de nos jours
  • Clichés anciens (Crédits : Valentin Bessonnard – Sources : Archives départementales de Saône-et-Loire, cote 7517W5)
  • La presse de l’époque avait mis à sa une la fermeture de l’établissement (Source : L’Indépendant du louhannais et du Jura, 13 septembre 1968)